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Le père Hyppolite Agnigori, imposant la Cendres à une fidèle en l'église Saint Jean Paul II de Cocody - Angré dans l’archidiocèse d’Abidjan - Côte d'Ivoire. Le père Hyppolite Agnigori, imposant la Cendres à une fidèle en l'église Saint Jean Paul II de Cocody - Angré dans l’archidiocèse d’Abidjan - Côte d'Ivoire.  

Carême 2025: le père Agnigori invite à le vivre dans l'espérance

C’est ce mercredi 5 mars, mercredi des Cendres, que débute le Carême 2025. Un temps de repentance, de prière et de partage qui prépare les fidèles chrétiens à la Pâques du Seigneur. Pour le père Hyppolite Agnigori, prêtre de l’archidiocèse d’Abidjan en Côte d’Ivoire, le Carême en cette Année jubilaire est un appel à emprunter le chemin de la conversion en pèlerins de l’espérance, en ayant le Christ comme boussole.

Entretien réalisé par Françoise Niamien - Cité du Vatican

L’Église a entamé sa marche vers Pâques, cœur de la foi chrétienne qui célèbre la résurrection du Christ. Du latin «Quadragesima» qui veut dire «40ème», le Carême symbolise les 40 jours de Jésus au désert au début de son ministère, temps d'épreuve et de ressourcement (Mt 4, 2), mais aussi les 40 ans du séjour des Hébreux au désert durant l'Exode. Dans un entretien accordé à Vatican News, le prêtre ivoirien Hypollite Agnigori, curé de la paroisse Saint Jean Paul II de Cocody-Angré dans l’archidiocèse d’Abidjan et professeur d’histoire de l’Église, revient notamment sur l’importance du Carême pour les chrétiens, tout en soulignant sa particularité en cette Année Sainte.

Entretien avec le père Hyppolite Agnigori, prêtre ivoirien de l'archidiocèse d'Abidjan en Côte d'Ivoire

Quelle l’importance revêt le Carême pour les chrétiens?

Le temps de Carême représente la période de quarante jours qui précède Pâques. Ce temps de préparation admis depuis le quatrième siècle, après les persécutions et la reconnaissance officielle du christianisme comme religion, est également un temps de conversion intérieure où le chrétien, par la pratique du jeûne, de la prière et de la charité, est appelé à revenir vers Dieu et à s'ouvrir aux autres. De ce fait, le Carême peut être considéré comme un temps de maturation et de préparation vers une conversion, vers l’avènement d’un renouveau. C'est bien là tout le sens de la période du Carême: se préparer à la fête de Pâques, qui célèbre la résurrection de Jésus. Comme lui, nous sommes aussi appelés à «ressusciter» et à renouveler notre foi, un renouvellement qui implique une vérité et une sincérité dans la pratique de la foi.

Le temps du Carême est donc important pour le fidèle chrétien dans le sens où ce temps l’invite de manière continue à se donner des moyens concrets, dans la prière, la pénitence et l'aumône, pour l’aider à discerner les priorités de sa vie. Ce temps incite également à une mise à l'écart pour faire silence et être ainsi réceptif à la Parole de Dieu.

Le temps de Carême pourrait-il être particulier en cette Année jubilaire?

La particularité du temps de Carême de cette Année jubilaire s’inscrit dans une dynamique qui met en valeur la conversion. Le thème de ce Jubilé est «Pèlerins de l’Espérance». L’espérance en ce temps de Carême, cette année, doit être portée à sa pleine réalisation en faisant aspirer tous les hommes à la figure du Ressuscité, porte du salut et notre espérance, comme le signifie le Pape François dans la bulle d'indiction du Jubilé ordinaire de l'année 2025 «Spes non confundit».

Ce temps de grâces, qu’est ce Jubilé ordinaire, ne peut que nous offrir un Carême particulier qui utilise les caractéristiques du Jubilé pour s’inscrire dans le particulier. En effet, le Jubilé a comme objectif pour les chrétiens de consolider leur foi, de se repentir de leurs péchés et de favoriser les œuvres de solidarité et les pèlerinages. Et cette année, la thématique jubilaire proclamée par le Pape François met l’accent sur l’espérance comme moteur de la foi. Il souhaite que cet événement soit un moment d’introspection spirituelle et un temps pour des actes de charité envers les plus démunis. On y voit en filigrane le schéma du Carême qui s’accroit ici avec l’opportunité pour les chrétiens d’obtenir l’indulgence plénière: le pardon total des péchés.

Et le Vatican a annoncé les étapes pour obtenir cette miséricorde: traverser une porte sainte; se confesser; participer à l’Eucharistie; prier pour les intentions du Pape et s’engager spirituellement à travers des actes de charité et des pèlerinages. Voici donc tout ce qui pourrait conduire ce Carême 2025 à être particulier, puisque s’inscrivant dans une dynamique jubilaire, un temps de grâces à vivre avec ferveur et conversion, orienté évidemment vers l’espérance.

Conversion et espérance, quel lien pourriez-vous établir?

La conversion et l'espérance sont deux notions importantes dans la spiritualité chrétienne. Le lien entre conversion et espérance se trouve dans la manière dont l'espérance soutient la vie chrétienne et nourrit le chemin vers la sainteté à travers une conversion permanente. L'espérance chrétienne repose sur la promesse de la vie éternelle avec Dieu. Appesantissons-nous d'abord sur la conversion. Du latin "convertere": tourner, changer, c’est ouvrir son cœur et son intelligence à Dieu et avec sa grâce, réaliser de véritables changements dans notre existence en se détournant du péché et en étant de plus en plus fidèle à l’Évangile. La conversion est, de ce fait, un processus, non pas un événement. Elle résulte de justes efforts accomplis pour suivre le Sauveur, qui consistent à exercer la foi en Jésus-Christ, à se repentir de ses péchés et à persévérer avec foi jusqu'au bout. Elle ne consiste pas en des actes héroïques ou spectaculaires, mais dans la fidélité aux petites choses du quotidien, vécues avec amour.

Le lien ici entre conversion et espérance est bien fort: l'espérance fournit la force nécessaire pour persévérer dans la conversion. Elle est une source d'énergie et de force intérieure qui pousse l'homme à s'élever au-delà de ses limites, et à tendre vers une communion parfaite avec Dieu. Associée à la conversion, l'espérance devient ainsi une boussole spirituelle qui oriente l'âme vers son accomplissement ultime: la vision de Dieu et l'union éternelle avec Lui. Elle n'est pas simplement un optimisme ou une attitude positive, mais une confiance ferme en la promesse divine de la vie éternelle. Et comme l'écrivait saint Paul, «C'est en espérance que nous sommes sauvés» (Rm 8, 24). Ce qui signifie que, malgré les épreuves de la vie terrestre, nous sommes en chemin vers une plénitude que Dieu seul peut offrir.

Pour un chrétien, l'espérance dépasse les circonstances présentes. Elle ne se limite pas à attendre un futur meilleur sur terre, mais s'étend à la vie éternelle. Elle permet de percevoir chaque moment difficile comme une opportunité de croissance spirituelle, dans l'attente de la rencontre avec Dieu. Cette vertu ouvre ainsi l'horizon de l'âme à la transcendance, invitant l'homme à dépasser la tentation du désespoir ou de l'indifférence, dans une perpétuelle conversion. L’espérance nécessite absolument une conversion.


Dans son message pour le Carême 2025, le Pape François exhorte a se convertir à l’espérance. Qu’est-ce que cela implique?

Se convertir à l’espérance implique avant tout accepter de marcher avec notre Seigneur Jésus-Christ, résurrection et vie qui nous fait comprendre qu’au-delà des apparences humaines, la vie éternelle s’offre à nous comme récompense de foi. Dans son message de Carême 2025, le Pape François nous apprend à comprendre l’implication de se convertir à l’espérance à travers trois appels: marcher, marcher ensemble et marcher dans l’espérance, avec l'invitation à vivre le Carême comme un temps de renouveau et de confiance dans la promesse de la vie éternelle. Se convertir à l’espérance suppose donc marcher, mais pas n’importe comment. Il s'agit de marcher avec le Christ, lumière qui éclaire notre chemin d’Homme et nous guide incessamment sur les sentiers de la vie et de l’espérance, sur les sentiers qui renouvellent les bontés de Dieu et qui les établissent comme perpétuels clins d’œil de Dieu, qui n’abandonne jamais sa créature.

Se convertir à l’espérance implique aussi marcher en synergie, en fédération, en synodalité avec les autres. La synodalité traduit que tous les chrétiens ont la même dignité baptismale et, de ce fait, sont appelés à s’écouter mutuellement dans ce cheminement à la suite du Christ. Se convertir à l’espérance implique, en outre, que notre résurrection émanant du Christ ne peut se réaliser sans l’apport des autres; et la synodalité s’impose comme un indicateur sur la route de l’espérance. En cheminant ensemble à la suite du Christ, les chrétiens se convertissent à l’espérance, qui les anime à marcher, à se mouvoir avec le Christ.

Se convertir à l’espérance, enfin, n’est pas que marcher ni cheminer ensemble. C'est surtout marcher ensemble dans l’espérance, c’est-à-dire s’ouvrir continuellement à la vie éternelle déjà entamée par le fait baptismal. C’est dire qu'au quotidien, les chrétiens doivent se convertir afin d'être toujours des semeurs d’espérance.

Quel serait votre message à tous les fidèles catholiques en ce début de Carême?

Ce cheminement spirituel qu’est le Carême, nous appelle à un changement de vie. De ce fait, mon message est de nous inviter à être réellement des pèlerins de l’espérance en cette Année jubilaire. Vivons cette espérance et transmettons-la à ceux pour qui la vie parait sombre, mélancolique, dépressive, morose et pleine d’amertume. En ce temps de Carême du Jubilé 2025, suivre le Christ signifie mettre nos pas dans ses pas en nous rapprochant de toutes les personnes qui vivent dans un désespoir total: les pauvres, les malades, les démunis, les affamés, les veuves, les orphelins spoliés, les personnes pour qui rien ne semble aller de bien et de beau en cette humanité, et qui, parfois, nourrissent des pensées suicidaires.
C’est en nous que le Christ Ressuscité doit être senti, vu et aimé. Si nous occultons cet aspect, le monde ira de morosité en morosité, d’amertume en amertume et de souffrance en souffrance. Il n’y a aucune amertume qui puisse être au-delà de l’espérance que nous devons semer, il n’y a aucune tristesse qui puisse assombrir la lumière de l’espérance, et il n’y a aucune mélancolie qui puisse brunir la blancheur, la pureté et la vérité de l’espérance. Soyons pèlerins de l’espérance!

Le père Hypollite Agnigori, curé de la paroisse Saint Jean Paul II de Cocody - Angré dans l’archidiocèse d’Abidjan
Le père Hypollite Agnigori, curé de la paroisse Saint Jean Paul II de Cocody - Angré dans l’archidiocèse d’Abidjan

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05 mars 2025, 12:27