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Le père Gabriel Romanelli, le curé de Gaza qui essaie de maintenir un quotidien rythmé par les prières. Le père Gabriel Romanelli, le curé de Gaza qui essaie de maintenir un quotidien rythmé par les prières.  

Pâques à Gaza: l’espérance reste possible

Au moment où l’Église célèbre le Triduum pascal, l’enclave palestinienne de Gaza célèbre encore ce temps liturgique dans un contexte de crise humanitaire. Depuis le début de la guerre en octobre 2023, plus de 50 000 palestiniens ont été tués et depuis le 2 mars, tout accès dans la bande est bloqué par Israël, même les camions d’aide humanitaire ne passent plus. Entretien avec le père Gabriel Romanelli, curé de Gaza qui essaie de maintenir un quotidien rythmé par les prières.

Entretien réalisé par Marine Henriot - Cité du Vatican

La paroisse de la Sainte-Famille résiste. Elle accueille en ce moment plus de 500 personnes, des réfugiés, des blessés mais aussi des enfants et des personnes handicapées dans la maison des sœurs de Mère Teresa. Parmi les paroissiens, le père Gabriel Romanelli, le curé de Gaza essaie de maintenir un quotidien rythmé par les prières. Chaque jour devient plus difficile, a-t-il confié, mais Pâques signifie le passage de la mort à la vie, l’espérance reste donc possible. Entretien.

Entretien avec le père Gabriel Romanelli, curé de Gaza.

Pâques signifie le passage de la mort à la vie…quelles espérances peut apporter Pâques aux chrétiens de Gaza?

Même si notre paroisse a souffert pendant cette guerre avec des bombardements, des tirs, etc., on a à peu près 500 réfugiés ici y compris des enfants et des handicapés dont s’occupent les sœurs de Mère Teresa. Il y a également des personnes âgées, des blessés et des malades. On a réussi grâce à l'aide de l'Église catholique, principalement, du Patriarche de Jérusalem, à soutenir des milliers de familles, des civils, dans tous les quartiers très pauvres de la bande de Gaza. Et notre quartier s’appelle Zeitoun, c'est le plus vieux quartier et un quartier très populaire.

On essaye de mener une vie plus ou moins normale grâce à notre foi. Les prières nous soutiennent tout le temps. On peut constater cela à travers ces heures qu'on passe dans l'église, avec les religieux de la Congrégation du Verbe incarné, les laïques, les enfants, les adolescents et les jeunes. Et dès le matin nous faisons notre prière en silence, suivie de l'adoration du Saint-Sacrement et après 12 heures en cette Semaine Sainte, nous faisons ce que les chrétiens d'Orient effectuent, notamment les chants des lamentations de Jérémie. Après la messe, place au chapelet à Notre-Dame pour la Paix, puis des activités pour les différents groupes de la paroisse tous ensembles. En plus de cela, on essaye d'aider aussi nos voisins, avec les dispensaires des Caritas, du patriarcat latin, avec des médicaments, des distributions d'eau et de nourriture. Chaque jour devient plus difficile, même si on pour l'instant, on a encore de quoi manger. Mais cela devient de plus en plus difficile parce qu'il y a presque un mois que les barrières et les frontières sont totalement fermées.

Les bombardements sont omniprésents à Gaza, même la paroisse de la Sainte Famille a été ciblée en décembre 2023, n’avez-vous pas peur?

Non! Dans toute la bande de Gaza, nous remettons notre vie entre les mains du Seigneur. Quand la guerre a commencé, il y avait des ordres d'évacuation de tous les quartiers de toute la ville de Gaza. Et les chrétiens, tout de suite, ont pris la décision de venir ici. Car pour eux, aucune autre place dans toute la bande de Gaza n’est sûre pour vivre. Ils ont dit vouloir «aller chez Jésus». Parce qu’ici ils se sentent protégés, même si l'église a été bombardée plusieurs fois en décembre 2023. Déjà avant Noël 2023, des femmes catholiques ont été tuées ici par des snipers. Toutes les personnes qui sont dans la bande de Gaza ressentent la peur au quotidien. Des milliers d’enfants innocents sont tués et continuent d’être victimes de cette guerre. Que ce soit un enfant dans un kibboutz ou un enfant de Gaza, ce sont des civils qui meurent. C’est cela qui fait qu’on a quand-même un peu peur. Parce cette guerre fait beaucoup de mort qu’en grande partie ce sont des enfants.

Quelle espérance peut apporter Pâques aux chrétiens de Gaza dans ces conditions?

Nous devons célébrer Pâques parce que c'est finalement le mystère de la mort, mais aussi de la Résurrection du Seigneur. Et avec la célébration liturgique, on est mis en contact réel avec la substance de Dieu, sa mort et sa résurrection pour tous les chrétiens. Mais pour ceux du Moyen-Orient, aucun doute que c'est la foi, cette présence réelle de Jésus dans l'Eucharistie, dans l'Église, dans les œuvres de charité, qui nous donne la force pour continuer à vivre, pour donner l’espérance, même en ces jours inimaginables qui nous frappent.

Vous le dites, les souffrances du quotidien sont inimaginables pour les Gazaouis. En début de semaine, les Nations unies estimaient que la situation actuelle est la pire que Gaza n’ait jamais connue. Quelles difficultés pourriez-vous nous partager?

La principale difficulté, c'est de savoir ce qui va se passer dans les jours à venir. C’est ce qui angoisse tout le monde. Les gens se posent beaucoup de questions. Mais ici, il y a de l’espoir, même s’il n’y a pour l’instant aucune réponse pour les plus de 2 millions des personnes qui vivent à Gaza. En plus de ça, on ne peut pas purifier l’eau, on n’a pas de quoi faire fonctionner les fours, donc c’est très compliqué pour la nourriture, pour faire du pain avec de la farine. Or c’est essentiel pour les dizaines de milliers de familles qui pour la plupart vivent hors de leurs maisons, puisque les maisons n'existent plus. Elles vivent dans la rue, sous des tentes.

La plupart des écoles et des hôpitaux ont été bombardés et détruits. Alors le niveau d’angoisse est très élevé. C'est pour ça que, de notre côté, même si c'est une toute petite chose, on essaye de rester très fort dans la foi, dans l'espérance et dans la charité chrétienne. C’est cela la réalité de notre vie quotidienne. Un jour de guerre, 1 h de guerre, une minute de guerre, occasionne toujours plus de dommages, de destructions, et de morts. On doit convaincre le monde que la paix est possible. Et si la paix n’est pas possible immédiatement, il faut au moins arrêter ça!

L'année dernière, dans votre message, à l'occasion de Pâques, vous écriviez que Gaza offrait un spectacle de désolation, comme le Mont Calvaire après la crucifixion de Jésus. Aujourd'hui, nous sommes toujours sur le Calvaire…

Oui, on est encore une fois de plus sur le Calvaire. C'est vrai qu'il y a des voix qui disent qu’on arrivera à une trêve, et on l’espère vraiment. On espère qu’au cours de cette Semaine Sainte, quand toutes les communautés chrétiennes, même la communauté juive, célèbrent Pâques, quand la mort et la résurrection du Seigneur nous donne la grâce de la conversion et de la résurrection spirituelle. Que la Résurrection du Christ nous donne la possibilité, pas seulement d'être sur le Calvaire, mais d'être devant sa tombe. Et l'idée, mais ça ne va pas être facile après la guerre et tant que la guerre continue, c’est de continuer à demander à Dieu qui est miséricorde, le pardon et la paix. On désire vraiment dans nos cœurs la paix pour tout le monde et particulièrement pour Palestine et Israël. Nous prions tous pour cela.

À moins de 100 kilomètres de là, à Jérusalem, lieu de la mort et la résurrection du Christ, le cardinal Pizzaballa disait dans son message pour la procession des Rameaux, que notre vocation est de «construire, unir, abattre les barrières, espérer contre toute espérance». Quand on est Palestinien, quand on est Palestinien chrétien, comment fait-on pour continuer d'espérer?

L'Apôtre Jacques dans la Bible nous dit que si quelqu'un est triste, il doit prier. La prière, ce n’est pas une fantaisie, ce n’est pas de l’imagination, C'est tout le contraire. La prière chrétienne, c'est le contact avec l'Absolu, avec Dieu. C'est pour ça que grâce à Dieu, on fait chaque jour une heure d'adoration en silence. Et ça, c'est bien aussi pour tous les chrétiens du monde afin de redécouvrir la présence eucharistique. Dieu est présent et est partout. Il est présent dans les basiliques, dans les petites chapelles, dans les grandes et les petites paroisses. C'est là notre grand moteur, notre grande force spirituelle pour semer l’espérance contre toute espérance. Et après, même si on a envie de pleurer, on essaye d’abord de se mettre au travail et saint Jean d'Avila, un grand saint espagnol parlant de la paternité spirituelle -que l'on peut aussi appliquer à la maternité spirituelle des religieuses-,  disait que le prêtre doit avoir un cœur capable de supporter la souffrance, face à la mort des enfants, mais aussi un cœur de chair tendre pour être proche de tous. Alors parfois, on voudrait pleurer, on voudrait ne rien faire, mais on doit se mettre au service des autres. Et le Seigneur, nous comble toujours spirituellement. Chaque fois que nous faisons du bien, il nous remplit d’espérance même en ces jours noirs que nous sommes est en train de vivre ici à Gaza.

Que représentent pour vous les prières de la communauté catholique du monde entier, le soutien qu'elle tente d'apporter à la communauté catholique de Gaza?

Le monde entier prie pour la paix, même pour l'aide matérielle. Et en même temps, on voudrait dire que même parmi ceux qui sont responsables des nations, il y a beaucoup de catholiques qui travaillent aussi pour la paix. Qu'ils n’abandonnent pas devant les discours de haine ou de mépris de l'autre ou des armes. La paix est possible. Et ce n’est pas un simple slogan. La paix est vraiment possible, la justice est possible, la réconciliation est possible. Il faut continuer à travailler avec tous ceux qui sont aux responsabilités, travailler et prier afin que la paix arrive.

 

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18 avril 2025, 07:51