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Fleurs d'œillets, symbole de la révolution du 25 avril, au Portugal. Fleurs d'œillets, symbole de la révolution du 25 avril, au Portugal.  (AFP or licensors) Les dossiers de Radio Vatican

La révolution des Œillets au Portugal, un héritage contesté

Les Portugais commémorent jeudi les cinquante ans de la révolution des Œillets qui mit fin le 25 avril 1974 à près de cinquante ans de dictature. Cette date demeure fondamentale pour le Portugal d’aujourd’hui, directement héritier des réformes entreprises lors de la transition démocratique. Pourtant, la mémoire de ces événements s’estompe et n’a pas empêché le succès électoral du parti d’extrême-droite Chega aux dernières élections législatives.

Xavier Sartre – Cité du Vatican

Jour de fête au Portugal ce 25 avril. Les Portugais célèbrent chaque année le coup d’État mené par quelques officiers de l’armée qui mit fin à un régime politique né en 1926 et qui isola le pays du reste de l’Europe. La fleur que ces soldats mirent par hasard au bout du canon de leurs fusils donna son nom à ce qui devint une véritable révolution, celles des œillets. De là naquirent des réformes qui instaurèrent la démocratie et un État social, ce qui amena en 1986 le pays à adhérer, avec l’Espagne, à la Communauté économique européenne, qui devint plus tard l’Union européenne. C’est dire si cette date est «fondamentale», explique Yves Léonard, spécialiste du Portugal contemporain et enseignant au centre d’histoire de Sciences Po Paris.

 

Pourtant, cet épisode est loin d’être bien connu des jeunes générations, remarque le chercheur. Les jeunes saisissent mal «ce qu’était la réalité avant ce 25 avril 1974, son déroulé, ses implications et ses répercussions qui ont engendré le processus démocratique», remarque-t-il. Or, la liberté reste l’acquis le plus important, le 25 avril étant le jour «où les libertés publiques et individuelles ont été restaurées», après quarante-huit ans de dictature. Outre l’évolution vers un régime démocratique et arrimé à l’Europe de l’Ouest, il y a eu du point de vue social et sociétal des «bouleversements que la constitution de 1976 a gravé dans le marbre» et dont «un certain nombre de politiques publiques se sont inspirées pour promouvoir notamment un État social, un État-providence», détaille Yves Léonard.

Cinquante ans plus tard, la portée strictement politique de cette révolution est encore grande. «Traditionnellement, les partis de gouvernement se reconnaissent pleinement dans le 25 avril», confirme l’enseignant mais les choses évoluent comme le prouve l’arrivée sur la scène politique de Chega, parti d’extrême-droite qui «ne fait pas mystère de son hostilité au 25 avril» et qui considère que «la situation le 24 avril était préférable à celle qui a suivi».

Irruption de Chega

Ce rejet croissant de la révolution des Œillets vient, selon Yves Léonard, du caractère même de cet événement qui a été pensé comme «une césure entre un avant et un après», à la différence d’autres transitions politiques à la même période, comme celle chez le voisin espagnol. Pas de négociation entre l’ancienne élite et la nouvelle, pas de passage de témoin d’un régime à un autre. «Certains acteurs de l’époque considèrent que le 25 avril n’est qu’une révolution portée par la gauche, des marxistes, et qu’elle ne traduit en rien les attentes d’une partie de la société portugaise», explique Yves Léonard. Un sentiment qui ressurgit dans un contexte européen favorable, comme le montre la poussée dans plusieurs pays de partis d’extrême-droite et qui ne font pas du Portugal une exception.

Entretien avec Yves Léonard, spécialiste du Portugal

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25 avril 2024, 08:27