Dimanche des Rameaux: devenir des Cyrénéens les uns pour les autres
Christian Losambe, SJ – Cité du Vatican
Le dimanche des Rameaux commémore deux événements relatés dans le Nouveau Testament: d’une part, l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem; et d’autre part, la Passion du Christ, sa mort sur la croix et sa mise au tombeau, tel que nous le vivrons tout au long du triduum pascal. C’est, en effet, sur ce paradoxe que le Pape propose aux fidèles de méditer ce dimanche, qui s’illustre clairement par le «Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur» (Lc 19, 38) chanté par la foule, en acclamant le Messie qui passe par la porte de la ville sainte, celui qui, quelques jours plus tard, en «sortira maudit et condamné, chargé de la croix».
Dans cette démarche spirituelle, les milliers de fidèles et pèlerins rassemblés place Saint-Pierre se sont mis également à la suite du Christ, rameaux en main, «d’abord dans une procession festive, puis sur un chemin douloureux, inaugurant la Semaine Sainte qui nous prépare à célébrer la passion, la mort et la résurrection du Seigneur». Poursuivant sa convalescence régulière dans la Maison Sainte-Marthe, le Saint-Père a délégué le cardinal Leonardo Sandri, vice-doyen du Collège cardinalice, pour présider cette célébration eucharistique. Dans son homélie préparée à cette occasion, «alors que nous sommes en route vers le Calvaire», le Pape François s’est arrêté sur la figure de Simon le Cyrène, invitant à réfléchir «à son geste, à scruter son cœur et à suivre ses pas aux côtés de Jésus».
L’ambivalence du geste de Simon de Cyrène
En effet, le Cyrénéen, réquisitionné par les soldats qui le chargent de la croix pour qu’il la porte derrière Jésus, est obligé de porter ce fardeau: «il n’aide pas Jésus par conviction, mais par contrainte», fait savoir le Souverain pontife, soulignant toutefois qu’il s’agit bien d’un geste ambivalent «puisqu’il se retrouve à participer personnellement à la passion du Seigneur». De ce fait, la croix de Jésus devient «la croix de Simon», mais pas celle de ce Simon-Pierre qui avait promis de toujours suivre le Maître, précise-t-il. Ce Simon-là a disparu dans la nuit de la trahison, après avoir proclamé: «Seigneur, avec toi, je suis prêt à aller en prison et à la mort» (Lc 22, 33), explique le Pape en faisant remarquer que ce n’est plus le disciple qui marche derrière Jésus, mais ce Cyrénéen.
Le Maître avait pourtant clairement enseigné: «Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive» (Lc 9, 23). Simon de Galilée dit mais ne fait pas, poursuit François, alors que Simon de Cyrène fait, mais ne dit rien: «aucun dialogue entre lui et Jésus, pas un mot n’est prononcé. Entre lui et Jésus, il n’y a que le bois de la croix».
«La croix de bois que supporte le Cyrénéen est celle du Christ»
Selon le Saint-Père, pour savoir si le Cyrénéen a secouru ou détesté Jésus épuisé avec qui il doit partager la fatigue, pour savoir s’il porte ou supporte la croix, «nous devons regarder son cœur». Alors que le cœur de Dieu est sur le point de s’ouvrir, transpercé par une douleur qui révèle sa miséricorde, le cœur de l’homme reste fermé, note l’évêque de Rome dans son homélie, soulignant que nous ne savons pas ce qui habite le cœur du Cyrénéen. S’adressant aux fidèles, par le biais du cardinal Sandri, il les invite à se mettre à la place de Simon le Cyrène en se posant la question suivante: «ressentons-nous de la colère ou de la pitié, de la tristesse ou de l’agacement?»
Si nous nous souvenons de ce que Simon a fait pour Jésus, le Pape demande aux chrétiens de se rappeler aussi de ce que Jésus a fait pour Simon «comme pour moi, pour toi, pour chacun de nous: il a racheté le monde». Ainsi, explique-t-il, la croix de bois que supporte le Cyrénéen est celle du Christ qui porte le péché de tous les hommes. «Il le porte par amour pour nous, par obéissance au Père (cf. Lc 22, 42), en souffrant avec nous et pour nous». Et c’est précisément de cette manière inattendue et bouleversante que le Cyrénéen est impliqué dans l’histoire du salut, où personne n’est étranger.
Suivre les pas de Simon
Au terme de son homélie en ce dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur, le Saint-Père invite les fidèles à «suivre les pas de Simon», car il nous enseigne que Jésus vient à la rencontre de chacun, dans toutes les situations. En effet, quand nous voyons une multitude d’hommes et de femmes que la haine et la violence jettent sur le chemin du Calvaire, «rappelons-nous que Dieu a fait de ce chemin un lieu de rédemption parce qu’il l’a parcouru en donnant sa vie pour nous», exhorte François. Se tournant de nouveau vers les chrétiens en ce jour, le Pape François les interroge en ces termes: «combien de Cyrénéens portent la croix du Christ! Les reconnaissons-nous? Voyons-nous le Seigneur sur leurs visages déchirés par la guerre et la misère?» Face à la terrible injustice du mal, porter la croix du Christ n’est jamais vain, «c’est au contraire la manière la plus concrète de partager son amour sauveur», affirme le Saint-Père.
De ce fait, la passion de Jésus devient compassion lorsque «nous tendons la main à ceux qui n’en peuvent plus, lorsque nous relevons ceux qui sont tombés, lorsque nous embrassons ceux qui sont découragés». Ainsi, pour vivre ce grand miracle de la miséricorde, «choisissons pendant la Semaine Sainte comment porter la croix: non pas autour du cou, mais dans le cœur. Non seulement la nôtre, mais aussi celle de ceux qui souffrent à nos côtés; peut-être celle de cet inconnu que le hasard –mais est-ce vraiment un hasard? – nous a fait rencontrer», conclut l’évêque de Rome en invitant chacun à se préparer à la Pâques du Seigneur en devenant des Cyrénéens les uns pour les autres.
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