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Photo d'illustration. Photo d'illustration.  (VATICAN MEDIA Divisione Foto)

François aspirait à faire de l'écologie intégrale une priorité pour tous

Le choix de son nom signifiait déjà son intention de prendre soin des personnes en situation de précarité et de la Création. Durant ses douze années de pontificat, François a insisté sur la dimension sociale de la foi chrétienne et prêché pour la conversion écologique de l’Église, portant les offenses faites à la Maison commune au rang de péché.

Marine Henriot – Cité du Vatican

Dès sa messe inaugurale le 19 mars 2013, le Pape venu d’Argentine, devant un parterre de chef d’Etats et les téléspectateurs du monde entier, faisait part de sa volonté de faire la défense de la Création un des fils rouges de son pontificat. «Nous sommes gardiens de la Création, du dessein de Dieu inscrit dans la nature, gardiens de l’autre, de l’environnement; ne permettons pas que des signes de destruction et de mort accompagnent la marche de notre monde !», déclarait-il dans son homélie, s’inspirant de saint Joseph et déjà, de saint François d’Assise, invitant à avoir «du respect pour toute créature de Dieu et pour l’environnement dans lequel nous vivons.» 

Ainsi, au cours de son pontificat, François a élevé au rang de péché la destruction de la Création, porté dans son combat par le cantique des Créatures de celui qui a inspiré son patronyme, «Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Vent, et pour l’air et pour les nuages, pour l’azur calme et tous les temps: grâce à eux tu maintiens en vie toutes les créatures.»

Trois jours après son élection, interrogé sur le choix de son nom de Pape, François, il expliquera simplement: «C’est ainsi est venu le nom, dans mon cœur: François d’Assise. C’est pour moi l’homme de la pauvreté, l’homme de la paix, l’homme qui aime et préserve la création; en ce moment nous avons aussi avec la création une relation qui n’est pas très bonne, non ?». Pendant douze années, le saint du centre de l’Italie n’a cessé d’accompagner son homonyme argentin.

La révolution Laudato si’

La préoccupation de l’évêque de Rome pour l’écologie devient évidente aux yeux de tous lors de la publication de la deuxième encyclique du pontificat, Laudato si,’ le 18 juin 2015. L’idée centrale de ce texte majeur est au fil des années presque devenue un slogan, «tout est lié. Une affirmation selon laquelle «il n'y a pas deux crises distinctes, l'une environnementale et l'autre sociale, mais une crise socio-environnementale unique et complexe» et qui démocratise le concept d’écologie intégrale.

Ce cri d’alarme met la question sociale au centre de la réflexion écologique de l’Eglise et invite à la conversion écologique. En 194 pages, François transforme les rapports entre l’Eglise catholique et l’écologie. «Il a fait découvrir aux chrétiens une nouvelle approche de la théologie de la Création», commentera des années plus tard Mgr Stenger, co-président de Pax Christi, «A travers son engagement, il a transformé le regard qu’ont les chrétiens sur la Création.»

Selon le frère Thomas Michelet, auteur de l’ouvrage Les Papes et l’écologie, «la nouvelle perception de François, très forte dans Laudato si’, est cette perception que la planète est devenue un petit être fragile». «La planète elle-même qui devient cette pauvre petite chose entre les mains de l'homme, qui lui est devenu superpuissant par sa technique, ce qui évidemment, il ne l'était pas auparavant.» note le frère dominicain français, professeur à l’université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin, dite l'Angelicum, à Rome.

Dans la foulée naitra le Mouvement Laudato si’, un mouvement hybride qui rassemble les catholiques, en collaboration avec toutes les personnes de bonne volonté, pour rendre vivante et concrète l’encyclique.

L’implication des toutes les religions

François n’entend pas mener seul la bataille pour la préservation de l’environnement. Quelques mois après son élection, en mai 2014, lors de son pèlerinage en Terre Sainte à l’occasion du 50e anniversaire de la rencontre à Jérusalem entre Paul VI et le patriarche Athénagoras, le Souverain pontife érige cette thématique en lutte œcuménique avec la signature d’une déclaration commune avec le patriarche Bartholomé 1er de Constantinople. «Par conséquent, nous regrettons le mauvais traitement abusif de notre planète, qui est un péché aux yeux de Dieu. Nous réaffirmons notre responsabilité et notre obligation d’encourager un sens de l’humilité et de la modération, de sorte que tous sentent la nécessité de respecter la création et de la sauvegarder avec soin.», peut-on lire au 6ème paragraphe de ce texte.

C’est dans cette perspective que François, toujours avec le patriarche de Constantinople, mais aussi avec le métropolite Jean de Pergame, institue en aout 2015 la journée de prière pour la sauvegarde de la Création, elle se tiendra désormais chaque 1er septembre, comme cela se fait déjà au sein de l’Eglise orthodoxe.

Une bataille pour l’environnement au niveau œcuménique puis interreligieux. «Nous – croyants en Dieu, dans la rencontre finale avec Lui et dans Son Jugement –, partant de notre responsabilité religieuse et morale, et par ce Document, nous demandons à nous-mêmes et aux Leaders du monde, aux artisans de la politique internationale et de l’économie mondiale, de s’engager sérieusement (…) à la dégradation environnementale», exhorte le Document sur la fraternité humaine signé en février 2019 à Abou Dhabi dans les Emirats arabes unis, fruit d’une relation inédite et historique avec l’imam d’Al-Azhar, Ahmed el-Tayeb.  

Deux ans plus tard, le 4 octobre 2021, en la solennité de saint François d’Assise, une vingtaine de représentants religieux du monde entier sont réunis autour du Saint-Père dont le Grand-Imam Ahmed el-Tayeb, sa sainteté Bartholomée Ier, le rabbin Noam Marans ou encore l’archevêque de Canterbury, Justin Welby. Ils signent un appel qui sera remis aux participants de la COP26 de Glasgow qui se tient quelques semaines plus tard. «On ne peut plus agir seul, l’implication de chacun est fondamentale pour le soin des autres et de l’environnement, un engagement qui conduit à un changement de cap si urgent, et qui doit aussi être nourri par sa propre foi et sa propre spiritualité.», alerte François ce jour-ci.

Inspirations autochtones

En octobre 2017, préoccupé par le sort de l’Amazonie et ses habitants, le Saint-Père annonce la tenue deux ans plus tard en 2019 d’une Assemblée spéciale du Synode des évêques pour la région de l’Amazonie.

En amont de ce synode, trois ans après avoir prôné la défense de l’environnement en Equateur, Bolivie et Paraguay, le Pape retourne dans les terres de la Pachamama et c’est en Amazonie péruvienne, dans la ville de Puerto Maldonado, non loin de la frontière avec la Bolivie, qu’il rencontre des tribus autochtones. «J’ai beaucoup désiré cette rencontre», confesse alors François, avant de reprendre dans son discours devant de nombreuses délégations de peuples venus également du Brésil et de la Bolivie, le cantique de saint François d’Assise.

Lors de cette rencontre historique, François a invité l’Eglise à «retrouver son visage amazonien» et a dénoncé deux fléaux qui menacent cet écosystème unique: la forte pression des grands intérêts économiques qui convoitent les ressources naturelles, mais aussi «la perversion» de certaines politiques qui promeuvent la «conservation» de la nature sans tenir compte de l’être humain.

Autre signe de l’attention du Pape François pour la population et l’espace amazonien, le chef Raoni, du peuple Kayapo, est reçu en mai 2019.

Du Pérou en 2019 au Canada en 2022, le Souverain pontife argentin n’a cessé de puiser dans les croyances et traditions ancestrales des peuples autochtones pour justifier la défense de la Maison commune. «Frères et sœurs, a-t-il dit lors de sa rencontre avec les peuples autochtones des Premières nations, Métis et Inuit dans le centre du Canada, vous avez vécu sur cette terre depuis des milliers d'années selon des modes de vie respectueux de la terre elle-même, héritée des générations passées et conservée pour les générations futures. Vous l'avez traitée comme un don du Créateur à partager avec les autres et à aimer en harmonie avec tout ce qui existe, dans une relation mutuelle de vie entre tous les êtres vivants».

Querida Amazonia

Le synode sur l’Amazonie s’est tenu du 6 au 27 octobre 2019, sur le thème: «Amazonie: de nouveaux chemins pour l’Église et pour une écologie intégrale». Lors de l’ouverture, le premier Pape latino-américain de l’histoire souligne la dimension écologique de l’évènement qui aboutira à l’exhortation apostolique post-synodale, Querida Amazonia.

Dans ce texte écrit telle une lettre d’amour à la Création, le Pape trace des chemins concrets pour une écologie humaine qui prenne en compte les pauvres, pour la valorisation des cultures et pour une Église missionnaire à visage amazonien. Le premier chapitre de Querida Amazonia est consacré au «rêve social» et souligne qu'«une vraie approche écologique» est aussi une «approche sociale». Tout en appréciant le «bien-vivre» des indigènes, il met en garde contre le «conservatisme» qui ne se préoccupe que de l'environnement.

Le troisième chapitre, «Un rêve écologique», est celui qui est le plus étroitement lié à l'encyclique Laudato si’. Dans l'introduction, il est souligné qu'en Amazonie, il existe une relation étroite entre l'être humain et la nature. Prendre soin de nos frères comme le Seigneur prend soin de nous, écrit le Pape, «est la première écologie dont nous avons besoin». Autre point, François estime qu’il est urgent d'écouter «le cri de l'Amazonie», et rappelle que l'équilibre planétaire dépend de la santé de cette vaste région.

Laudate deum

En octobre 2023, la petite sœur de Laudato si’, l’exhortation apostolique Laudate deum, est dévoilée. «Louez Dieu» est le nom de ce document du magistère «parce qu’un être humain qui prétend prendre la place de Dieu devient le pire danger pour lui-même».

En six chapitres et 73 paragraphes, le successeur de Pierre précise et complète ce qui a déjà été affirmé dans le texte précédent sur l'écologie intégrale, tout en lançant un cri d'alarme et un appel à la coresponsabilité face à l'urgence climatique.

Comme Laudato si’ est intrinsèquement liée à la COP21 de Paris, ce nouveau texte est déjà liée à la COP28, «Les Émirats arabes unis accueilleront la prochaine Conférence des Parties (COP28). C’est un pays du Golfe persique qui se définit comme un grand exportateur d’énergies fossiles, bien qu’il ait fait d’importants investissements dans les énergies renouvelables. Pendant ce temps, les compagnies pétrolières et gazières ambitionnent de réaliser de nouveaux projets pour augmenter encore la production. Dire qu’il n’y a rien à espérer serait un acte suicidaire qui conduirait à exposer toute l’humanité, en particulier les plus pauvres, aux pires impacts du changement climatique», peut-on lire en introduction du chapitre consacrée à cette conférence des Nations unies au chevet du climat.

Les autres chapitres de cette exhortation sont entre autres consacrés à la crise climatique mondiale, «Nous avons beau essayer de les nier, de les cacher, de les dissimuler ou de les relativiser, les signes du changement climatique sont là, toujours plus évidents», explique le Pape, à la dénonciation du paradigme technocratique, «le monde qui nous entoure n’est pas un objet d’exploitation, d’utilisation débridée, d’ambitions illimitées» et à la défense des plus petits à laquelle faillent les institutions et la politique internationale. 

En filigrane toujours, la figure de saint François d’Assise, l’exhortation est d’ailleurs publiée un 4 octobre.

Le rendez-vous manqué à la COP28 de Dubaï

Après des rumeurs quant à sa participation à la COP26 de Glasgow en Ecosse en 2021, la COP28 de Dubaï en 2023 devait finalement devenir celle où se rendra pour la première fois dans l’histoire des COP un Souverain pontife. Le 3 novembre, quatre semaines avant le début de cette Conférence des Parties hors normes, et un mois après la rencontre entre François et Sultan al-Jaber, le président émirati et directeur de la compagnie pétrolière locale, la salle de presse du Saint-Siège confirme l’information donnée par François quelques jours avant à la télévision italienne, «Oui, j’irai à Dubaï. Je pense que je partirai le 1er décembre jusqu'au 3 décembre. J'y resterai trois jours». 

Une décision provoquant un vent d’enthousiasme chez les défenseurs de l’environnement. «On peut estimer que la venue du Pape pèsera dans la balance», note à ce moment là le frère Xavier de Bénazé, jésuite, délégué provincial sur les questions d’écologie intégrale pour la Belgique francophone, le Luxembourg et la France, le «symbole de son déplacement peut peser lourd, François a une autorité morale reconnue».

Mais 48 heures avant son départ pour les Emirats, le couperet tombe: à la demande des médecins, le voyage pontifical est annulé. François souffre alors d’une grippe et d’une inflammation des voies respiratoires. C’est finalement le cardinal Parolin qui livrera le discours du Souverain pontife à Dubaï. Une démonstration charpentée, alliant protection de la Création et science, pour inciter des prises de décisions en faveur du développement des énergies renouvelables, soutenant l’éducation à des modes de vie soutenables et l’élimination des énergies fossiles.

«Je suis avec vous parce que la dévastation de la création est une offense à Dieu, un péché non seulement personnel mais aussi structurel qui se répercute sur l’être humain, en particulier sur les plus faibles, un grave danger qui pèse sur chacun et risque de déclencher un conflit entre les générations», fidèle à sa vision de l’offense à la Création comme un péché. 

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24 avril 2025, 20:13