Recherche

Rencontre avec des missionnaires en Papouasie Nouvelle Guinée le 8 septembre 2024. Rencontre avec des missionnaires en Papouasie Nouvelle Guinée le 8 septembre 2024.   (Vatican Media)

Le magistère missionnaire du Pape François

Dès les premiers mois de son pontificat, le Pape argentin a donné à l’Église un texte magistériel sur l’amour de l’Évangile et prôné une «Église en sortie» qui retrouve le courage de témoigner la joie que procure l’amour de Dieu et celui de son prochain.

Jean-Charles Putzolu – Cité du Vatican

Evangelii Gaudium est certainement le document qui, dès sa publication le 24 novembre 2013, quelques mois à peine après son accession au trône de Pierre, témoigne de l’intention de François de donner à son Église un nouvel élan missionnaire. Dès les premières lignes de son exhortation apostolique, publié au terme de l’Année de foi proclamé par Benoît XVI avant sa renonciation, le Souverain pontife évoque cette Église en “sortie”, terme qui reviendra régulièrement dans ses textes et prises de paroles par la suite. «L’Église “en sortie” est la communauté des disciples missionnaires qui prennent l’initiative, qui s’impliquent, qui accompagnent, qui fructifient et qui fêtent», écrit le Pape dans son exhortation apostolique, avant de préciser peu après que la communauté évangélisatrice «sait prendre l’initiative sans crainte, aller à la rencontre, chercher ceux qui sont loin et arriver aux croisées des chemins pour inviter les exclus». Il y a dans cette phrase de 2013, de nombreux éléments qui laissent deviner les orientations de son pontificat, à commencer par «ceux qui sont loin» et les «exclus».

Prêtres et laïcs missionnaires

La mission est une vocation première de tout chrétien, de tout baptisé, estime François: il doit y avoir «chez tous les baptisés, le désir de participer à la mission universelle de l’Eglise, à travers le témoignage et l’annonce de l’Evangile» (Angélus du 23 octobre 2022). Cet aspect était déjà souligné dans un message de 2014, adressé au Congrès sur «la mission des laïcs chrétiens dans la ville», organisé par le Vicariat de Rome: «Incorporé dans l'Église, chaque membre du peuple de Dieu est inséparablement disciple et missionnaire», écrivait-il.

Quant aux pasteurs, il ne les a pas épargnés et a souligné en maintes occasions l’exigence du zèle missionnaire, les invitant à êtres les éclaireurs de cette Église en sortie, jusqu’à s’imprégner de «l’odeur des brebis». Et là encore, il n’aura pas fallu attendre bien longtemps pour comprendre ce que François attendait des prêtres et des religieux. Deux semaines après son élection, à l’occasion de la première messe chrismale de son pontificat, le 28 mars 2013, il donne le ton: «soyez des pasteurs avec l’odeur de leurs brebis», dit-il aux prêtres dans l’homélie, les invitant à aller «aux ‘périphéries’ où se trouve la souffrance, où le sang est versé», car «avec foi, nous sortons pour nous donner nous-mêmes et pour donner l’Évangile aux autres».

François joindra le geste à la parole en multipliant voyages et visites au milieu du troupeau, aux périphéries du monde et de la foi. Chacun de ses déplacements reflètera ce zèle missionnaire qu’il a «rêvé» pour toute son Eglise.

Le zèle missionnaire

En janvier 2023, le Pape commence une nouvelle série de catéchèses données à l’occasion des audiences générales du mercredi. Elle porte sur «la passion pour l’évangélisation». Un thème urgent et décisif dira l’évêque de Rome dans son introduction, en traçant aussi une ligne rouge, limite du zèle apostolique: «la communauté des disciples de Jésus naît en effet apostolique, elle naît missionnaire, non pas prosélyte, et dès le début nous devions faire cette distinction: être missionnaire, être apostolique, évangéliser n'est pas la même chose que de faire du prosélytisme, rien à voir entre une chose et l'autre». Faire du prosélytisme est «une chose païenne; ce n’est ni religieux, ni évangélique» explique-t-il la semaine suivante. Évangéliser, c’est avoir «une bonne parole pour ceux qui ont quitté le troupeau». Lors de cette même audience, François offre cet enseignement sur le sens de la mission: «Le Seigneur souffre lorsque nous nous éloignons de son cœur. Il souffre pour ceux qui ne connaissent pas la beauté de son amour et la chaleur de son étreinte. Mais, en réponse à cette souffrance, il ne se renferme pas, mais au contraire prend des risques: il laisse les quatre-vingt-dix-neuf brebis qui sont en sécurité et s'aventure à la recherche de celle qui manque, faisant ainsi quelque chose d’hasardeux et même d'irrationnel, mais en consonance avec son cœur pastoral, qui éprouve de la nostalgie pour qui s’en est allé. La nostalgie pour ceux qui sont partis est constante en Jésus […]. Jésus se languit de nous, et c'est le zèle de Dieu».

Le témoignage

C’est un autre aspect fondamental de la mission, déjà souligné dans la «Charte fondamentale de l’évangélisation dans le monde contemporain»; c’est ainsi que François définit Evangelii Nuntiandi, de son prédécesseur saint Paul VI lors de l’audience générale du 22 mars 2023, et que François développe ce jour-là. «On ne peut pas évangéliser sans témoignage», car l’homme contemporain «écoute plus volontiers les témoins que les maitres», et témoigner du Christ est le premier moyen d’évangéliser. François ajoute: «Le témoignage est donc indissociable de la cohérence entre ce que l'on croit et ce que l'on annonce et ce que l'on vit. On n'est pas crédible seulement en énonçant une doctrine ou une idéologie. Une personne est crédible s’il y a harmonie entre ce qu'elle croit et ce qu'elle vit». C’est lors de la célébration des vêpres pour le début du mois missionnaire le 1er octobre 2019 que le Saint-Père lie le témoignage à la mission: «On devient missionnaire en vivant comme des témoins», et les témoins «vivent en diffusant la paix et la joie, en aimant tout le monde, même leurs ennemis par amour pour Jésus».

La joie missionnaire

«La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus», écrit François au tout début d’Evangelii Gaudium. Si tous les baptisés sont appelés à témoigner du Christ, ils sont par conséquent appelés à transmettre cette joie. Le monde que François photographie dans son exhortation est, à cause de «son offre de consommation multiple et écrasante», exposé au risque d’une «tristesse individualiste». «Quand la vie intérieure se ferme sur ses propres intérêts, il n’y a plus de place pour les autres, les pauvres n’entrent plus, on n’écoute plus la voix de Dieu, on ne jouit plus de la douce joie de son amour, l’enthousiasme de faire le bien ne palpite plus», regrette le Souverain pontife. Or, dit-il encore, «il faut permettre à la joie de la foi de commencer à s’éveiller». Cette joie missionnaire qui remplit la communauté des disciples doit, dans l’esprit de François, animer sans cesse celui qui apporte la parole et celui qui la reçoit. Si elle imprègne à son tour celui qui la reçoit, c’est «un signe» que l’Évangile annoncé «donne du fruit».

En recevant un groupe de jeunes missionnaires en avril 2022, François livrait trois clés pour l’avenir de la mission, à travers trois verbes «fondamentaux»: se lever «pour être relancés vers un avenir de vie, plein d'espérance et de charité envers nos frères et sœurs», soigner à l’exemple du Samaritain qui vient au secours de l’homme battu par des brigands, parce que nous avons besoin «de personnes, surtout de jeunes, qui ont des yeux pour voir les besoins des plus faibles et un grand cœur qui les rend capables de se dépenser totalement», et témoigner de la Pâque éternelle, ce don que le chrétien reçoit de son baptême de vivre comme un ressuscité. Un don «destiné à être partagé avec tous». Un témoignage de l'Évangile à travers sa propre vie est capable d’ouvrir «une brèche dans les cœurs les plus durs».

Dans la bulle d’induction du jubilé de 2025, Spes non confundit, François rappelle l’institution des “missionnaires de la miséricorde” en 2016, «signe de la sollicitude maternelle de l’Église à l’égard du Peuple de Dieu». Il appelle tous les baptisés à «témoigner de manière crédible et attrayante de la foi et de l’amour que nous portons dans notre cœur; pour que la foi soit joyeuse, la charité enthousiaste; pour que chacun puisse donner ne serait-ce qu’un sourire, un geste d’amitié, un regard fraternel, une écoute sincère, un service gratuit».

De nombreux missionnaires canonisés

Dès les premiers mois de son pontificat, François a mis l’accent sur la priorité missionnaire en canonisant en mai 2013 sœur Laura Montoya, fondatrice des sœurs missionnaires de Marie Immaculée, qui a consacré sa vie aux amérindiens. En 2016, il canonise Mère Teresa, fondatrice des Missionnaires de la Charité. Elle représente à ses yeux l’exemple de zèle missionnaire prôné par François: «Elle s’est penchée sur les personnes abattues qu’on laisse mourir au bord des routes», dira-t-il dans l’homélie de la messe du 4 septembre 2016. Il élève également le premier évêque de Québec, saint François de Laval défenseur de la dignité des populations autochtones; le jésuite espagnol saint José de Anchieta, l’un des premiers missionnaires au Brésil et, parmi tant d’autres, saint Junipro Serra, franciscain espagnol fondateur de nombreuses missions aux États-Unis. «Il a su vivre ce qu’est “l’Église en sortie”», remarquera François dans son homélie du 23 septembre 2015 à Washington lors de la messe de canonisation, «il a su quitter sa terre, ses coutumes, il a eu le courage d’ouvrir des chemins, il a su aller à la rencontre de tant de personnes en apprenant à respecter leurs coutumes et leurs particularités».

Avant le conclave de 2013

La nécessité d’un nouvel élan missionnaire avait été souligné par le cardinal Jorge Maria Bergoglio dès les dernières congrégations générales de mars 2013. Prenant la parole devant ses pairs, détaillera le cardinal Jaime Ortega à son retour à Cuba après le conclave, il émettait le souhait d’une Église qui puisse tout abandonner pour aller aux périphéries et rejoindre les «derniers», s’approcher des personnes affaiblies par le péché, la souffrance et l’injustice, se détournant d’une Église autoréférentielle enfermée dans un «narcissisme théologique».

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

25 avril 2025, 07:33