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Méditation du Jeudi Saint

Du père jésuite Laurent BASANESE

Références: Ex 12, 1… 14 – Ps 115 – Co 11, 23-26 – Jn 13, 1-15

Nous nous approchons du Jour où nous allons fêter notre Passage, notre victoire sur la mort et le péché, et voici que le Christ va être trahi, livré. Nous allons fêter notre relèvement, et le Christ nous demande de plier le genou et de l’imiter dans son abaissement: «C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez vous aussi, comme j’ai fait pour vous.» Quel est ce paradoxe ? Pourquoi l’abaissement, l’humiliation ? Pourquoi Jésus parle-t-il de «sang versé» et de trahison au moment où son amour est le plus manifeste, au cours d’un repas si solennel où Il se donne dans le pain et le vin ? Et puis il y a cet exemple à imiter: «Vous devez vous laver les pieds les uns aux autres»… Voilà un précepte bien difficile à mettre en pratique au quotidien ! On veut bien servir de temps en temps, mais de là à en faire une règle de conduite et à donner sa vie… on y réfléchit souvent à deux fois.

Et pourtant nous sommes là au cœur de la vie chrétienne: si vous vous comportez comme les autres hommes, nous dit Jésus dans l’Evangile, que faites-vous d’extraordinaire ?

De fait, tout homme quelque peu religieux désire être «en accord» avec son Dieu, accomplir sa volonté, demeurer dans son alliance ; et pour cela, il multiplie les offrandes, les sacrifices, les efforts, les prières, attendant en retour une bénédiction, une lumière sur sa vie. Mais le culte chrétien est tout différent: non pas une cérémonie, au cours de laquelle on perpétuerait le souvenir d’une belle histoire, ni même un exemple à suivre que l’on essaierait vainement de plaquer sur ses actions, mais une transformation permanente et existentielle de sa vie, à cause du Christ qui s’est fait semblable à nous en descendant au plus bas. Il a connu les pires épreuves que puisse connaître un homme – trahison, abandon, reniement, procès inique, condamnation injuste, coups, flagellation et dérision, crucifixion – et Il n’a pas cessé d’aimer ; Il a offert cette existence rejetée dans une prière intense au Père, pour nous, et Il a été exaucé. A cause de cela, tout homme qui met sa foi en Lui est en communion avec Dieu, quelle que soit son histoire. Il ne s’agit plus de consumer, en passant par le feu, des animaux pour espérer accéder à Dieu, mais bien plutôt de transformer son existence, de changer sa vie par de véritables « sacrifices spirituels » grâce à la charité, vrai feu du Ciel, l’Esprit même de Dieu.

C’est cela le sacerdoce du Christ que nous fêtons ce soir. En accomplissant pour nous ce qu’aucun acte humain ne pouvait atteindre, Il nous a mis en relation personnelle avec le Père. Notre seul effort désormais consiste à «briser le cours de notre vie passée» (saint Basile le Grand), en plongeant dans la mort du Christ, en vivant de notre baptême, et en nous nourrissant de son Corps et de son Sang. Notre joie sera alors profonde, pas du tout superficielle, car enracinée – par la Croix – dans la réalité de la vie. Par cette Croix, nous pourrons à notre tour mettre les hommes en relation avec Dieu, et le monde connaître alors la véritable joie, celle qui demeure pour toujours.

16 avril 2025