La Compagnie de Jésus prie pour le repos de l’âme du Pape François
Christian Losambe, SJ – Cité du Vatican
La Compagnie de Jésus s’est réunie jeudi 24 avril pour célébrer l'Eucharistie dans la fameuse Église du Gesù à Rome, près de la tombe de saint Ignace, fondateur de l’Ordre religieux auquel appartenait le Pape François. Elle l’a fait pour rendre grâce à Dieu pour la vie du défunt pontife, appelé à servir l'Église universelle en tant qu'évêque de Rome. Dans une profonde attitude de recueillement nourrie par une liturgie bien soignée qu’a abrité cet édifice emblématique de l’art jésuite, qui est l’une des plus remarquables manifestations architecturales du mouvement de la Contre-réforme, des centaines des Jésuites, fidèles et amis de la Compagnie de Jésus, ont rendu grâces à Dieu pour le don de la vie du Saint-Père et l’héritage qu’il laisse aujourd’hui à l’Église au terme des 12 années de son pontificat.
Présidant cette célébration eucharistique, le Général de la Compagnie de Jésus, le père Arturo Sosa, a souligné que la semaine de Pâques nous aide à rendre grâce à Dieu pour le Pape François à partir de la profonde consolation de l'expérience du Crucifié-Ressuscité, dont nous sommes appelés à être les témoins. «Notre frère et Pape François est maintenant totalement entre les mains de Dieu, laissons son témoignage continuer à inspirer l'Église à partager la mission rédemptrice de Jésus-Christ et la Compagnie de Jésus à vouloir en tout aimer et servir», a rassuré le prêtre jésuite.
Le Pape François, un homme forgé dans l’expérience des Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola
Au début de son homélie, le père Sosa a souligné qu’il y a de nombreuses façons d'aborder la vie du Pape François, «qui a porté les sandales du pêcheur, celles de l'Apôtre Pierre, dans le style de Jorge Mario Bergoglio». Un style, selon lui, qui s'est formé et a mûri au cours de nombreuses années de formation, de service et de généreux dévouement, d'abord dans la vie religieuse et sacerdotale au sein de la Compagnie de Jésus, puis dans le service épiscopal de l'archidiocèse de Buenos Aires et de l'Église latino-américaine. Enfin, a renchéri le Général des Jésuites, «son service à l'Église universelle en tant qu'évêque de Rome, qui comprend l'exigeant ministère pétrinien de promouvoir l'union de tout le peuple de Dieu au service de la mission du Seigneur Jésus-Christ».
Le jésuite vénézuélien a présenté le pape François comme un homme forgé dans l'expérience des Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola, à partir desquels nous pouvons approcher le style authentique de sa vie et de son service au peuple de Dieu et à toute l'humanité. Le principe des Exercices spirituels, a-t-il témoigné, a été incarné par François dans sa conviction obstinée de pratiquer et d'invoquer le dialogue comme un outil fondamental pour établir des relations authentiques, surmonter les conflits et faciliter la réconciliation. Le dialogue a pour point de départ la reconnaissance des différences et «sauver la proposition des autres» est le début d'un cheminement commun pour trouver une solution partagée.
Par ailleurs, a expliqué le père Sosa, la vie de François a été fondée sur le roc qu'est le Christ, et non sur le sable de ses idées ou de ses intuitions. Lorsqu'il a confirmé les Préférences Apostoliques Universelles 2019-2029 comme la mission de la Compagnie de Jésus, «il a précisé que, pour éclairer notre vie-mission, elles devaient être basées sur la première d'entre elles, à savoir montrer le chemin vers Dieu à travers les Exercices Spirituels et le discernement», a raconté le prêtre jésuite.
Le Pape François, un homme de Dieu
Poursuivant son homélie, le Général des Jésuites a fait remarquer que le pape François n'a jamais caché sa propre fragilité et n'a jamais succombé à la tentation de se prétendre fort. De la prise de conscience de ses faiblesses grâce à la première semaine des Exercices spirituels, est née cette litanie, répétée après chaque intervention, de «n'oubliez pas de prier pour moi». Il demandait cela, a ajouté le père Sosa, parce qu'il se sentait soutenu par la prière du peuple de Dieu. À de nombreuses reprises, «il a réitéré son besoin de s'approcher du sacrement de la réconciliation et a recommandé que nous le fassions tous souvent». D'où son insistance auprès des ministres ordonnés, a-t-il expliqué, «pour qu'ils reflètent le visage miséricordieux de Dieu et évitent de juger au lieu d'accueillir tout le monde à bras ouverts, tout le monde, tout le monde».
L'expérience de la deuxième semaine des Exercices est évidente dans la vie et le témoignage du Pape François. Il a appris à connaître Jésus à travers la contemplation assidue des Évangiles. «Il a aimé Jésus, l'ami, le confident... celui des conversations ignatiennes, dans lesquelles il a appris à s'ouvrir pleinement et à recevoir la grâce nécessaire à l'accomplissement de sa mission». Son blason papal le proclame: miserando et eligendo. Comme le publicain Matthieu, a renchéri le père Sosa, «Jorge Mario Bergoglio a fait l'expérience de la miséricorde du Seigneur qui l'a choisi parmi ses disciples». Tout au long de sa vie, il n'a cessé de grandir dans cette familiarité avec Jésus qui lui a permis de surmonter ses faiblesses en augmentant sa confiance en Lui, jusqu'à se remettre totalement entre les mains de Dieu.
De la contemplation de la souffrance à l’amour envers les plus vulnérables
La contemplation de l'Incarnation a conduit François à acquérir le regard universel à partir duquel il a choisi de participer à la rédemption du monde. Ce regard trinitaire, a souligné le prêtre jésuite, est capable non seulement de voir la complexité et la richesse de la vie humaine, «mais aussi de nous amener à sympathiser avec elle. Hommes et femmes, garçons et filles, jeunes et vieux d'une riche diversité culturelle, vivant dans les situations les plus diverses, alternant santé et maladie, joie et tristesse, guerre et paix... unis par le rêve d'un monde meilleur». Une contemplation qui conduit le Dieu trinitaire à décider de l'incarnation de la deuxième personne qui, «se dépouillant de tous les privilèges, souffrant jusqu'à donner sa vie, ouvre le chemin vers Dieu le Père en qui nous pouvons tous devenir sœurs et frères. Ce qui lui a appris à rencontrer le Seigneur en marge de la société, sur les visages des migrants, des sans-abris ou de ceux qui reçoivent un salaire qui ne leur permet pas de joindre les deux bouts... Elle lui a appris à renoncer au désir des honneurs et à accepter l'humiliation au nom de l'Évangile».
En contemplant Jésus crucifié, a expliqué le père Sosa, le regard de François s’est porté sur les crucifiés de ce monde et son désir d'accompagner le Seigneur l’a poussé à monter sur la même croix, «d'où il a pu contempler la grandeur du défi de transformer le monde et, par conséquent, choisir d'ajouter son dévouement à celui de Jésus». Ainsi, la joie intérieure de faire l'expérience de la crucifixion et de la résurrection a fait disparaître la peur de témoigner de ce qui a changé sa vie pour toujours. «Depuis, Jorge Mario Bergoglio a consacré sa vie à partager la joie de l'Évangile. Élu au ministère pétrinien, François n’a pas craint pas d'aller à contre-courant dans la défense des droits de l'homme ou dans la lutte pour inverser les actions humaines qui maltraitent l'environnement», a renchéri le jésuite vénézuélien.
Le Pape François, artisan de la paix et de la justice sociale
Réfléchissant donc sur la vie du Pape François, le Général de la Compagnie de Jésus a fait savoir qu’il nous invite à accueillir les migrants comme des frères et des sœurs, à être proches de ceux qui sont en prison et de ceux qui sont rejetés par la société. L’on se souviendra également que la voix du défunt pontife a appelé constamment à la paix et souligné que toute guerre est un échec de l'humanité. Alors que les espaces de participation démocratique se réduisent dans le monde, «François a exhorté l'Église à la synodalité, c'est-à-dire à élargir les espaces de participation afin de devenir un peuple en marche vers la promesse d'un monde dans lequel nous pourrions vivre fraternellement».
L'expérience spirituelle résumée dans les Exercices spirituels de saint Ignace, intériorisée dans la vie de Jorge Mario Bergoglio, a culminé dans la sensibilité qui permet de trouver Dieu en toutes choses. «La contemplation pour parvenir à l'amour ouvre tous les sens à la capacité de percevoir la présence du Seigneur dans tous les aspects de la vie personnelle et sociale, dans la nature et dans l'histoire». C'est pourquoi, a expliqué le père Sosa, les paroles, les gestes, le style de vie, la reconnaissance de sa propre fragilité..., ont conduit François à placer toute sa confiance en Dieu et en Lui seul. «Notre frère et Pape François est maintenant totalement entre les mains de Dieu, laissons son témoignage continuer à inspirer l'Église à partager la mission rédemptrice de Jésus-Christ et la Compagnie de Jésus à vouloir en tout aimer et servir». C’est avec ces mots pleins d’espérance et de foi que le Général de la Compagnie de Jésus a conclu son exhortation dans l’église du Saint-Nom de Jésus, où repose la dépouille de son fondateur, saint Ignace de Loyola.
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