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Le cardinal Cristobal Lopez Romero dans les rues de Rome. Le cardinal Cristobal Lopez Romero dans les rues de Rome. 

Sede Vacante, le cardinal Romero espère une expérience spirituelle

Le Pape François repose désormais à Sainte-Marie-Majeure. L'Église lui a fait ses adieux toute la semaine passée, notamment lors de sa messe de funérailles samedi qui a réuni 400 000 fidèles. 220 cardinaux ont concélébré, parmi lesquels le cardinal Cristóbal López Romero, l’archevêque salésien de Rabat au Maroc. Il se souvient du Pape et évoque les jours à venir.

Entretien réalisé par Marie Duhamel – Cité du Vatican

De chaque côté de la nef de la basilique Saint-Pierre, ils ont formé une haie d’honneur au passage du cercueil, les visages étaient graves mais sereins. C’est le dernier adieu au «père, frère ainé, ami et modèle de pasteur». Ce samedi 26 avril, 220 cardinaux ont concélébré la messe de funérailles du Pape François sur le parvis de la basilique. De pourpre et d’or, ils ne formaient qu’un corps à droite de l’autel, unis dans la diversité de leurs charismes, tous reconnus par François. Ils sont appelés comme le fit le Pape argentin à rêver l’Église, pour qu’elle réponde à la soif des hommes d’aujourd’hui et de demain. Sur les 252 cardinaux invités à prendre part aux congrégations générales, 135 seront appelés à élire le 267ème Souverain pontife. 108 d’entre eux ont créés par François en 12 ans de pontificat, ils viennent de tous les continents. Le cardinal espagnol Cristóbal López Romero est de ceux-là. Entretien avec l’archevêque salésien de Rabat au Maroc depuis 2018.    

Entretien avec le cardinal Cristobal Lopez Romero, archevêque de Rabat au Maroc

Comment avez-vous vécu la messe de funérailles du Pape François?

Pour moi, c'était un moment émouvant, mais serein. Cela fait déjà presque une semaine que le Pape est décédé, et personnellement, j'ai un peu fait le deuil intérieur de la perte d'un père, d'un frère aîné, d'un ami, d'un modèle de pasteur, de berger. Ces derniers jours, nous avons rendu visite plusieurs fois à sa dépouille, nous avons pris part aux réunions de cardinaux, nous avons réalisé un peu ce que nous avons perdu, ce que le décès du Pape François suppose pour l'Église et pour le monde. Mais nous sommes des personnes de foi et ça nous donne de l'espérance parce que c'est l'Esprit Saint qui conduit l'Église et nous savons que nous sortirons de tout cela avec notre Pape, et que depuis le ciel il nous cédera plus qu'en étant sur terre. C'est ça notre conviction de foi qui nous fait vivre, dans la paix et la sérénité, cette tristesse de la perte d’un être très aimé.

Vous parliez d'un père, d'un ami, d'un frère, d'un modèle de pasteur. Quelle empreinte a eu François sur vous et votre ministère?

Pendant les premières années, cela a été une surprise, surtout quand il faisait des propositions dans le sens d'une Église en sortie, d'une Église «hôpital de campagne», quand ils parlaient par exemple d'une Église non autoréférentielle. Pour moi, cela fut un soulagement et une joie extraordinaire, parce que c'était des choses que j'avais apprises au Maroc, que nous vivions sur place, que j'avais découvert aussi grâce à mon expérience missionnaire au Paraguay. Mais l’entendre de la bouche du Pape, c'était comme si l'on nous disait, «allez-y, allez de l'avant, vous êtes sur le bon chemin». Or, justement, le rôle du Pape, du père, du successeur de Pierre, est de confirmer le frère dans la foi. C'est ce qu'il a fait quand il est venu au Maroc, mais aussi durant tout son pontificat.

Je me suis senti confirmé dans ma foi, encouragé, soulagé de certaines préoccupations que peut-être j'avais. J'ai eu beaucoup de joie à l'écouter, à voir les gestes qu'il a posé parce que le Pape a parlé beaucoup avec la bouche mais plus encore avec les gestes et le comportement. Chacun de ses voyages, chacun de ces gestes, était un message plus important qu'une encyclique. Le voir s'agenouiller devant les chefs politiques du Soudan du Sud en leur demandant s'il pouvait baiser leurs pieds, en leur demandant de faire la paix, cela vaut plus qu'une encyclique sur la paix.

Cette pastorale des gestes posés a fait forte impression sur vous, avez-vous le sentiment que c’est également le cas de vos frères cardinaux?

Il faudra attendre parce que les eaux sont encore en mouvement et il faut que tout se dépose au fond de l’eau pour voir ce qu’il nous laisse. À l’heure actuelle, nous parlons encore un peu sous l'émotion, mais avec le temps il y aura des personnes qui feront un bilan plus objectif et complet de ce que nous pouvons faire.

Mais il ne fait aucun doute que l'héritage que nous laisse le Pape François sera inoubliable et qu’il orientera l'Église dans les prochaines décennies. Non pas parce que cela vient de François, mais parce que s'il y a une valeur dans ces mots, dans ces orientations, c'est parce qu'ils nous ont mis en contact avec les racines qui sont l'Évangile et le Christ. La valeur du magistère d'un Pape ne réside pas en sa personne-même, mais en la capacité de réveiller en nous l'Évangile, de nous faire boire de la source de l'Évangile.

Vous êtes très nombreux à avoir été créés par François, et vous venez de toute part. Vous connaissez-vous? Est-ce aussi le sens des congrégations générales dont la 5ème aura lieu ce lundi. Qu’attendez-vous de ces temps de prière et de partage?

Selon moi, qui suis un nouveau-né dans le monde des cardinaux, les congrégations générales, ont deux buts. Le premier est de nous permettre de nous connaître entre nous, parce que nous ne nous connaissons pas beaucoup. Nous avons eu très peu d'opportunités de nous côtoyer, nous venons de tous les continents et il n'est pas facile de se rencontrer.

Ensuite, elles nous permettent de partager la vision que chacun de nous a sur le monde actuel et sur l'Église, et du rôle que l'Église doit jouer dans l'avenir de l'humanité. Chacun a une vision qui coïncide celle avec l'autre, en grande partie, mais avec toujours des nuances. En partageant sa vision propre, nous finirons pour avoir un panorama objectif et très complet de la situation actuelle du monde et de l'Église et en conséquence nous serons dans de bonnes conditions pour faire ce que j'appelle le portrait robot du nouveau Pape. Nous devons établir le profil de la personne qui serait la plus adaptée pour répondre à la situation que nous aurons établie. L’objectif est donc double: se connaitre et partager ses aspirations.

La tâche est d’importance. Comment vous vivez cette responsabilité?

J'essaie de la vivre avec responsabilité, et dans la prière. Samedi matin, on nous a convoqué à 9h, une heure avant le début de la messe (des funérailles). J'ai passé pratiquement tout le temps d'attente dans la sacristie devant la dépouille de Jean XXIII, en priant.

Je pense que nous devons faire de tout cela une expérience spirituelle. Nous devons rendre effective notre foi en l'Esprit Saint. Nous croyons que l'Esprit Saint est vivant et qu’Il est à l’œuvre, en action. Il est le moteur et l'âme de l'Église. Nous touchons en ce moment cette réalité de la main.

Alors, je vis ce moment avec une spiritualité profonde, en prière, et avec le sens des responsabilités afin faire les choses de la meilleure façon possible, et avec liberté d'esprit. Je ne reçois aucune influence de personnes, grâce à Dieu. Ce n'est pas comme autrefois quand peut-être les autorités civiles se mêlaient à tout cela. Maintenant nous avons toute la liberté du monde pour décider en conscience, en cherchant le meilleur, le plus haut bien pour l'Église et le monde.

Ne pas se faire conditionner et prier, est-ce comme cela qu'on peut aborder un conclave sereinement, quand on s’apprête à vivre ce moment pour la première fois et quand, on le sait, le conclave suscite beaucoup de fantasmes…

Pratiquement, je pense que pour plus de la moitié d’entre nous, nous vivrons notre premier conclave et je pense que c'est une opportunité de montrer au monde que les films comme Conclave, et d'autres semblables, ne sont pas la réalité. On a tous les droits de faire de la fiction, mais c’est un film, et non un documentaire, fait d'imagination et d'élucubrations. Mais nous, nous devons montrer, dans la mesure du possible, la réalité qui se passe, comment se passe, et communiquer au monde que nous vivons une expérience humaine, chrétienne, spirituelle, et que nous n'avons pas de secrets, pas de luttes intérieures. Nous témoignons de la diversité de la vie, bien sûr, mais de cette diversité nait l'unité. Il n'y a pas uniformité, nous essayons d'être unis dans le même objectif, chacun selon sa position.

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27 avril 2025, 12:30