François, le Pape des pauvres
Entretien réalisé par Marie Duhamel – Cité du Vatican
Une rose blanche posée sur la tombe de François, déposée par un de ses «enfants préférés». Samedi dernier, un groupe composé de sans-abris, de précaires, de migrants et de détenus, leur fleur à la main, attendaient le cercueil de François sur les marches de Sainte-Marie-Majeure, lieu de son inhumation. Ces personnes en précarité furent les dernières à lui dire adieu. Elles furent constamment au cœur des préoccupations du Pape défunt. Entretien avec Etienne Villemain, l’homme qui insuffla l’idée d’une Journée des pauvres à François, et fondateur de l’association Lazare, qui organise des colocations avec des personnes précaires, mais aussi du mouvement Fratello et des villages de François.
Dès les premières heures de son pontificat, François expliquait à la presse, dans la foulée du conclave, qu’il rêvait d’une «Église pauvre pour les pauvres», à qui s’adressait-il, aux puissants de l'Église ?
Quand il demande qu'il n'y ait plus de cléricalisme, en fait, il veut que certains clercs qui étaient dans leur chaire en hauteur descendent et marchent avec les petits et les pauvres. Et je suis frappé par le fait que jusque dans le rythme de son enterrement, il demande que son cercueil soit posé plus bas sur le sol, etc. C'est en permanence ce que le Christ a fait. Le Christ est descendu dans nos enfers et nous a arrachés à la mort. Et je pense que le Pape François a essayé d'être dans cette attention, dans cette descente de ce surplomb. Il a voulu faire descendre l'Église pour qu’elle soit plus accueillante, plus fraternelle, plus bienveillante et aussi plus spirituelle. Je pense que le Pape François en choisissant comme nom François a eu l'idée de ce saint d’Assise qui est profondément accroché au Christ et, en même temps, qui embrasse un lépreux et qui est proche des petits. Ce Pape a changé l'Église d'une manière irrémédiable: elle se rend compte qu'il faut accueillir les pauvres et qu’au travers de cet accueil des pauvres, elle devient féconde.
Donc, s'appauvrir en tant qu'Église et se faire proche des plus petits. Le Pape souligne l’importance de ne pas se limiter aux œuvres de charité mais de leur porter aussi une attention spirituelle.
Le Pape François m'a dit une fois l'importance du sacrement du pardon, et plus largement de l’accès aux sacrements pour les personnes fragiles. C'est un Pape qui n'était seulement horizontal, mais aussi très spirituel et qui avait pour vision la sanctification, la sainteté des plus petits. Ça me fait penser à Rabah, qui était un homme de la rue avec qui j'ai habité. Rabah avait demandé le baptême en 2012, et puis, quelques temps plus tard, il s’est fait poignarder dans le ventre en sortant d'une église. Un musulman l'a attrapé, et lui a donné un coup de couteau en apprenant qu'il était devenu chrétien. Et, Rabah me dit: «je lui ai pardonné». Le Pape a une admiration pour ces pauvres, ces petits qui sont au fond des saints, qui sont dans une discrétion absolue, qui souffrent pour beaucoup, mais qui sont configurés au Christ. Le Pape François n’a eu de cesse de rappeler que ces pauvres, ces petits, c'est aussi la présence de Jésus, et qu'il faut revenir aux racines de l'Évangile.
Personnellement, je pense qu’il y aura un avant et un après Pape François. J'ai le sentiment que nos Églises d'Europe et, sans doute du monde, laissent plus de place aux petits. En tout cas dans ma paroisse, je vois qu'on accorde plus de place aux petits, aux personnes qui, il y a quelques années, ne seraient jamais venues à la veillée de Pâques. Un homme tatoué s'est fait baptiser et il est arrivé en admettant ses craintes sur la manière dont on allait percevoir ses tatouages sur le visage. «C'est fou ce que j'ai été accueilli», m’a-t-il dit après coup.
Vous dites, en quelque sorte, que la stigmatisation dont font l’objet les pauvres, est, en partie au moins, levée ?
Il reste beaucoup de travail à faire pour que les pauvres soient accueillis dans l'Église mais quelque chose de fécond est lancé. Et aujourd'hui, on voit un renouveau dans l'Église. Il y a davantage de baptêmes. Je pense que c'est également lié au Pape François qui n’a eu de cesse de simplifier, d'accueillir les petits. En accueillant les pauvres, en rentrant dans une forme d'humilité, on leur ouvre la porte. Le Pape François a invité les gens à retourner aux racines de la foi et à laisser un peu de côté tout notre appareil pour retourner à l'essence même de la foi d'accueillir les petits et les fragiles.